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Fiche N°5
NOTION DE CONSEILLER INTERESSE


Un arrêt récent du conseil d’Etat a été l’occasion de conforter la jurisprudence traditionnelle de cette juridiction sur la notion de conseiller intéressé (CE 30 décembre 2002, Association "Expression Village", req. n° 229.099). En l’espèce, il a été retenu que la participation d’un conseiller municipal propriétaire de parcelles, à la délibération au cours de laquelle le conseil municipal modifie le classement de ces parcelles dans le règlement du plan d’occupation des sols, n’entraîne pas l’illégalité de cette délibération dès lors que ce conseiller, bien qu’il soit intéressé à l’affaire, n’a pas été en mesure d’exercer une influence effective sur la délibération litigieuse.
Que recouvre cette notion, et quelles sont les précautions à prendre pour ne pas tomber sous le coup de la loi ? L’étude de la jurisprudence permet d’apporter quelques réponses à ces questions.

La définition du code général des collectivités territoriales.

"Sont illégales les délibérations auxquelles ont pris part un ou plusieurs membres du conseil municipal intéressés à l’affaire qui en fait l’objet, soit en leur nom personnel, soit comme mandataire" (article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales).

De cette définition, la jurisprudence a dégagé deux conditions cumulatives pour que l’illégalité de la délibération soit prononcée : d’une part le conseiller municipal doit avoir un intérêt personnel à l’affaire, d’autre part, il doit avoir une influence effective sur le résultat du vote.

L’intérêt personnel à l’affaire.

D’une manière générale, l’intérêt à l’affaire existe dès lors qu’il ne se confond pas avec les intérêts de la généralité des habitants de la commune (CE Sect. 16 décembre 1994 Commune d’Oullins).
Ainsi, un conseiller municipal, président directeur général d’une société exploitant un théâtre communal, est intéressé à l’affaire, lorsque le conseil municipal délibère sur une demande de subvention en vue de travaux sur le théâtre (CE 23 septembre 1987, Ecorcheville).

Par ailleurs, la jurisprudence du conseil d’Etat apprécie l’existence d’un intérêt personnel différemment selon que le conseiller municipal est considéré en tant qu’individu, ou en fonction des mandats qu’il exerce au sein d’une personne morale (ex. : une association).

  • dans le premier cas, le conseil d’Etat n’admet qu’un intérêt personnel caractérisé. Par exemple, le simple lien de parenté d’un conseiller avec des personnes concernées par une délibération ne permet pas de démontrer un intérêt personnel suffisant.
    En revanche, un conseiller ayant conçu un projet de golf en collaboration avec sa famille est intéressé à la délibération approuvant le dossier de ZAC où se trouve le projet en cause, et ce même si la délibération a été prise à l’unanimité.
  • dans le second cas, le conseil d’Etat prend en compte un certain nombre de critères, afin de faire apparaître l’intérêt personnel de l’élu. Par exemple, la nature des fonctions exercées par le conseiller au sein de la personne morale, le risque de conflits d’intérêts entre la commune et la personne morale, le but lucratif ou non de la personne morale.

Le cas spécifique de la participation de conseillers, membres d’associations municipales, à une délibération décidant d’allouer une subvention à ces associations, doit être examiné en fonction des circonstances.

Le juge administratif estime en effet que les conseillers municipaux prenant part à des délibérations relatives à des organismes qui présentent un intérêt commun à un grand nombre d’habitants de la commune, ou a fortiori un intérêt général pour la commune, ne sont pas considérés comme personnellement intéressés à l’affaire. Tel est le cas, de conseillers municipaux administrateurs d’un syndicat d’initiative qui présente un caractère d’utilité communale, lorsque le conseil décide de lui allouer une subvention (TA Lille, 7 mai 1969, Kahn).

Cependant, il est souvent difficile de distinguer l’intérêt de la commune dans son ensemble et l’intérêt personnel de un ou plusieurs élus. D’autant que la jurisprudence administrative n’a jamais pu dégager de définition plus précise de la notion d’intérêt personnel à l’affaire. D’ailleurs, le Conseil d’Etat exerce un contrôle strict sur la notion d’intérêt que le conseiller peut avoir dans une affaire, un contrôle de qualification juridique.

L’influence effective au moment du vote.

Comme est venu le confirmer l’arrêt du Conseil d’Etat précité, Association "Expression-Village", la seule participation à la délibération d’un conseiller intéressé à l’affaire au sens du code général des collectivités territoriales n’entraîne pas nécessairement l’illégalité de cette délibération. Il n’en est ainsi que lorsqu’il ressort des pièces du dossier que le conseiller a exercé une influence effective sur la délibération.

Par exemple les juges ont considéré qu’un conseiller intéressé à l’affaire n’exerce une influence effective que lorsqu’il est rapporteur du projet (CE 26 février 1982, Association Renaissance d’Uzès), ou lorsqu’il participe activement au groupe de travail au cours duquel est envisagée la modification du classement d’une parcelle lui appartenant (CE 17 février 1993, Desmons).

Dans l’affaire Association "Expression-Village", les juges ont reconnu que le conseiller, propriétaire de parcelles dont le classement était modifié, avait bien siégé lors de la séance au cours de laquelle avait été prise la délibération litigieuse et avait participé à certaines réunions préparatoires, mais que ces circonstances n’étaient pas de nature à rendre la délibération irrégulière au sens de l’article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales, dès lors qu’il avait quitté la salle au moment du vote sur le projet de révision du POS et n’avait pas pris une part active aux réunions préparatoires.

Par conséquent le seul fait, que le conseiller ait participé à la séance du conseil municipal ou aux réunions de travail n’était pas à lui seul de nature à faire présumer qu’il avait exercé une influence effective sur le résultat du vote.

Enfin, il est à noter que contrairement à la notion de conseiller intéressé, l’appréciation de l’influence qu’a pu avoir le conseiller sur la délibération litigieuse, est laissée au pouvoir souverain des juges du fond (tribunal administratif et cour administrative d’appel), c’est à dire que l’appréciation ne peut être remise en cause par le conseil d’Etat qu’en cas de dénaturation des faits.

Les précautions à prendre pour éviter l’illégalité des délibérations auxquelles un conseiller est intéressé.

Il est au moins conseillé à l’élu possédant un intérêt à l’affaire :

  • de sortir de la salle au moment du vote de la délibération, afin de na pas influencer les autres conseillers,
  • de ne pas prendre une part active aux réunions préparatoires à la délibération,
  • de ne pas être rapporteur du projet qui va donner lieu à la délibération.

Le plus sage est certainement de s’abstenir systématiquement de prendre part aux délibérations ayant une incidence sur l’affaire intéressant l’élu.